La Franc-Maçonnerie libérale : une pensée singulière
Il y a un intérêt particulier à entretenir une relation avec la franc maçonnerie libérale parce que sa réflexion repose sur des bases qui sont intimement liées à toute action politique démocratique.
Quelles sont ces bases ?
La première pose comme axiome que l’homme est responsable de son destin. Cette responsabilité est différente d’une conception qui poserait en axiome que le destin de l’humanité est exclusivement entre les mains d’un Dieu. Pour éviter tout malentendu, cela ne signifie pas que les Francs–maçons excluent l’idée d’un Dieu (le pourcentage de Francs-maçons qui croient en l’existence d’un Dieu est similaire, voire supérieur, à ce qu’il est dans le reste de la population), mais cela signifie que les Francs-maçons considèrent que l’homme ne doit pas attendre de solutions à ses problèmes d’une autre source que de lui même.
Cette conviction a comme conséquence un deuxième fondement qui dit que les hommes doivent travailler à l’amélioration d’eux même et de la société. On comprend, bien entendu, qu’il s’agit de s’investir, par le travail, la culture, la réflexion, l’action, dans tout ce qui peut concourir à l’avènement d’une humanité plus éclairée sur sa propre nature et on comprend aussi que cet investissement nécessite une haute conscience d’appartenance de chacun à cette humanité, conscience que nous revendiquons sous le nom de fraternité.
Cette nécessité de l’engagement de tous dans une démarche d’amélioration constante de l’homme et de la société ne peut connaître de limites. L’engagement de tous, c’est l’exigence de démocratie, jointe à l’absence de limite c’est la liberté de conscience.
Cette exigence de liberté de conscience étendue à tous, fait de la Franc maçonnerie une institution qui est tout le contraire d’une chapelle. Il ne s’agit pas de récuser l’intérêt de l’expression des religions, il s’agit de considérer qu’on ne peut se limiter à une forme de confiscation intellectuelle qui serait que la parole émanant des religions aurait plus de valeur car dite au nom de Dieu, c’est à dire hors d’une démarche démocratique. Bien entendu, personne n’a peur de Dieu, et nous ne voulons pas qu’aux observations concernant les interdits religieux il soit répondu répond par le mot Dieu, évacuant ainsi un peu facilement la part bien humaine de la construction des recommandations et interdits religieux. Pour autant, ceci n’implique pas que ces recommandations et interdits soient dénués de toute valeur politique mais, leur mode de construction, non démocratique et surtout le caractère figé, ne pouvant prêter à contestation, de ces règles et interdits justifie que tout pouvoir politique qui a pour mission d’agir sur l’évolution des sociétés soit clairement séparé du pouvoir religieux, qui peut être une aide, mais qui est le plus souvent un frein, comme on le voit par exemple sur la question du droit des femmes…
Notre démarche prend en compte une dimension politique essentielle: en dépit d’un discours axé sur la fraternité des hommes supposés être tous issus du même créateur, la réalité historique ne supporte pas toujours cette affirmation de la réalité d’une fraternité inter-religieuse voire étendue à tous les êtres humains; au mieux elle se manifeste dans la recommandation d’une coexistence pacifique (qu’on peut nommer communautarisme) excluant d’ailleurs les athées plutôt qu’une vraie égalité/fraternité.
Pour être clairs, les Francs-maçons sont les héritiers de la philosophie des lumières, ils veulent que les êtres humains se dirigent eux-mêmes, puissent soumettre à un examen critique les autorités traditionnelles, donc aussi les préceptes religieux et le rôle qu'ils jouent dans la société : la religion doit être séparée du pouvoir politique. Pour autant les Francs-maçons n’attaquent jamais la foi en un Dieu dont il respecte la liberté de chacun de l’avoir ou pas.
Les exigences de responsabilité, de travail dans la perspective d’une société, d’une humanité meilleure et plus éclairée, plus libre et égale, d’engagement, de démocratie, de tolérance, de liberté de conscience doivent faire de la Franc-maçonnerie, un interlocuteur privilégié des institutions dont la légitimité et dont l’action se justifient in fine par le peuple.