Pour une Europe laïque
L’A.M.E. prône la construction d’une Europe laïque, respectueuse des droits fondamentaux que sont la liberté de conscience, la liberté d’expression, la liberté de conviction philosophique.
Seul un modèle de société laïque peut, à notre sens, permettre le « vivre ensemble » de personnes qui ne partagent pas nécessairement les mêmes croyances ou opinions.
Seul un modèle de société laïque peut, selon nous, garantir à chaque citoyen de l’Europe l’exercice de ces droits fondamentaux, la laïcité des institutions – et non pas leur neutralité – protégeant les différents courants philosophiques, confessionnels ou non confessionnels. La laïcité telle que nous la comprenons n’est pas anti-religieuse, mais elle nécessite un respect total réciproque entre responsables religieux ou philosophiques et chaque citoyen. Il en va de même pour l’appartenance totalement libre de chaque citoyen européen à l’un ou l’autre courant philosophique, et réciproquement pour les gouvernements des Etats membres de l’U.E. Ce pourquoi nous souhaitons que le principe de laïcité soit à l’avenir une règle contraignante de l’Europe.
Nous sommes préoccupés par certaine confusions que nous constatons, lors du financement public européen de campagnes de promotion de certaines valeurs ou principes éducatifs - de « culturel » à « cultuel » la frontière peut parfois être très ténue - , ou lors du vote « national » de certaines législations qui nous semblent liberticides.
A ce dernier égard, nous sommes intervenus auprès du Président Sassoli en 2021 lors de l’adoption par le Portugal d’une législation contraignant les titulaires des fonctions publiques mentionnés dans cette loi n° 52 du 31 juillet 2019 à la déclaration préalable de leur qualité de Franc-maçon (ou de membre de l’Opus Dei) voire, très hypothétiquement, d’autres associations. Les institutions européennes ne semblent pas avoir pris en compte le caractère discriminatoire de cette législation, selon la Charte des droits fondamentaux de l’U.E., entre citoyens portugais pourtant égaux en droit.
Fin 2021 encore, nous avons informé par courrier Monsieur Daems, Président du Conseil de l’Europe à Strasbourg, de notre désapprobation devant le cofinancement par le Conseil de l’Europe et l’U.E. d’une campagne dans le cadre de la lutte contre les discours de haine et sous le titre « We can human rights speech ». Certaines affiches de cette campagne tendaient à associer les mots « liberté » et « hijab ». Plusieurs affiches de cette campagne – par ailleurs retirée depuis – exprimaient cette assimilation, comme « Accepter le hijab c’est accepter la joie », « Avec le hijab je peux être moi-même » ou « La beauté est dans la diversité comme la liberté est dans le voile ». Eu égard à la situation des femmes en Afghanistan, cette assimilation nous semblait tout simplement indécente.
Au mois d’août 2023, nous sommes encore intervenu auprès de Monsieur le Vice-Président Schinas, en charge des programmes Erasmus à notre connaissance, parce que nous étions une nouvelle fois alertés d’un problème potentiel de financement pour un projet Erasmus+ : le projet « Al Sharq Youth », financé par le programme Erasmus, évoque l’utilisation de l’islamophobie par les gouvernements, « Les nouvelles croisades : l’islamophobie et la guerre mondiale contre les musulmans ». Là aussi, la frontière nous semble très ténue, et le sujet particulièrement équivoque.
La liberté de pensée, de conscience et de religion tout comme la liberté d’expression constituent des droits fondamentaux de l’Union européenne, protégés notamment contre l’ingérence « d’autorités publiques et sans considération de frontières », par les dispositions des articles 10 et 11 de la Charte des droits fondamentaux.
Nous rappelions toutefois que l’exercice de cette liberté n’a pas à être financé par le budget de l’UE et, en particulier le programme Erasmus, quand des atteintes aux valeurs de « tolérance », de « promotion de la paix » et de « solidarité entre les peuples » consacrées par le Traité sur l’Union européenne sont affectées.
De plus, les financements destinés aux organisations cultuelles ou philosophiques et inhérents à leurs activités en l’espèce, sans avoir à opérer de distinctions - discriminations entre elles, ne relèvent pas du budget de l’Union européenne.
En cette fin d’année 2023, le 18 décembre, une nouvelle alerte nous parvient sous la forme d’une question parlementaire demandant une réponse écrite, nous citons :
« Question avec demande de réponse écrite E-003708/2023
à l’article 138 du règlement 138 de la Commission
Monika Hohlmeier (PPE), Sabine Verheyen (PPE)
Dans le cadre du programme Erasmus+, la Commission finance actuellement un projet d’Islamic Relief Germany à hauteur de 58 640 euros.
L’organisation a été interdite par les autorités israéliennes en juin 2014 au motif qu’elle faisait partie de l’appareil financier du Hamas. Le gouvernement allemand a attiré l’attention sur les liens personnels entre les deux organisations et a déclaré en 2017 et 2019 qu’à sa connaissance, Islamic Relief Germany avait des liens personnels importants avec les Frères musulmans. En 2014, les Émirats arabes unis ont classé Islamic Relief comme une organisation terroriste.
- 1.Comment une organisation qui entretient des liens étroits avec l’organisation terroriste Hamas et les Frères musulmans et qui a été interdite par les autorités israéliennes peut-elle être choisie comme partenaire dans le domaine de « l’inclusion, de la promotion de l’égalité et de la non-discrimination » ?
- 2.Compte tenu des liens d’Islamic Relief avec des organisations terroristes et des associations islamistes, la Commission a-t-elle l’intention d’arrêter de verser les paiements pour le projet qu’elle finance ou de récupérer l’argent qu’elle a déjà versé ?
- 3.La Commission a-t-elle l’intention de proposer l’enregistrement d’Islamic Relief dans le système de détection précoce et d’exclusion (EDES) ? ».
Enfin, nous souhaitons rappeler que lors de la session budgétaire du 13 octobre 2022, « Budget général de l’Union européenne pour l’exercice 2023 – toutes sections(12108/2022 – C9-0306/2022 – 2022/0212(BUD)) », l’amendement 48 porté par plusieurs députés a modifié le paragraphe 31 Bis dans ce sens :
31 bis. se dit vivement préoccupé par les multiples informations faisant état du financement d'associations ayant des liens avec des organisations religieuses et politiques radicales, comme les Frères musulmans; invite la Commission à faire en sorte que les fonds de l’Union ne financent que des organisations qui respectent scrupuleusement l’ensemble des valeurs européennes, dont la liberté de pensée, la liberté de parole et l’égalité entre les hommes et les femmes, notamment au moyen du programme «Citoyens, égalité, droits et valeurs»; invite par conséquent la Commission à imposer aux organisations bénéficiaires la signature d’une charte les engageant à respecter ces valeurs avant de mettre les fonds à leur disposition.
Comme nous le rappelions à Monsieur le Vice Président Schinas au mois d’août 2023, l’Alliance Maçonnique Européenne reste disponible pour travailler de concert avec les instances européennes pour la promotion des valeurs humanistes auxquelles nous restons attachés.
Dans cette optique, nous souhaitons vraiment que la charte évoquée ci-dessus soit rédigée au plus tôt, mais surtout qu’elle soit rapidement de stricte application, et ce quelles que soient les associations bénéficiaires de ces subventions européennes.
Bruxelles, le 4 février 2024.
Pour l’A.M.E.
Le Président
Henry Charpentier